3.2. L’alternance consonantique

La cohésion du mot finnois est également assurée par l’alternance consonantique, qui a pour effet de modifier la consonne initiale de la dernière syllabe du mot lorsque cette dernière est fermée par l'adjonction d'un suffixe. Une syllabe est ouverte lorsqu’elle se termine par une voyelle, et fermée lorsqu’elle se termine par une consonne. Premiers exemples :

katu rue, kadulla dans la rue

katto toit, katon toit (génitif)

ranta bord, rannalla au bord

kulkea marcher kuljen jemarche

La syllabe ouverte de fin de mot du premier exemple katu (ka-tu) devient fermée lorsqu’on ajoute le suffixe d’adessif (ka-dul-la), ce qui entraîne le changement de "t" en "d". L'alternance consonantique est soumise à trois conditions : 1) la nature de la syllabe (ouverte ou fermée), 2) la nature de la consonne initiale (toutes les consonnes ne sont pas concernées par l'alternance), 3) le contenu vocalique de la syllabe (seules les voyelles simples sont compatibles avec l'alternance consonantique).

Une syllabe ouverte de fin de mot devient fermée lorsqu’on ajoute un suffixe formé d’une seule consonne (/C) ou commençant par deux consonnes (-CC...). Lorsque le suffixe commence par une voyelle ou une consonne simple (-V... ou -C...), la syllabe précédente reste ouverte. Les différents cas de figure sont illustrés dans le tableau suivant :

La syllabe ouverte de fin de mot devient fermée après l’adjonction d’un suffixe.
Le suffixe est formé d’une consonne simple ou commence par deux consonnes.
talo
ta-lo
maison
talon
ta-lon
de la maison
-n
(suffixe de génitif)
kylä
ky-
village
kylässä
ky-läs-sä
dans le village
-ssA
(suffixe d’inessif)
kirja
kir-ja
livre
kirjasto
kir-jas-to
bibliothèque
-stO
(suffixe de collectif)
sano
sa-no
dire
sanomme
sa-nom-me
nous disons
-mme
(1ère personne du pluriel)
La syllabe ouverte de fin de mot reste ouverte malgré la présence d’un suffixe.
Le suffixe a une structure syllabique et commence par une consonne ou voyelle simple.
talo
ta-lo
maison
taloa
ta-lo-a
maison
-a
(partitif)
talo
ta-lo
maison
taloon
ta-lo-on
dans la maison
-Vn
(suffixe d’illatif)
Suoma
Suo-ma
Finlande
suomalainen
suo-ma-lai-nen
finlandais(e)
-lainen
(suffixe adjectival)
sano
sa-no
dire
sanovat
sa-no-vat
ils/elles disent
-vAt
(3ème personne du pluriel)

L’alternance consonantique ne concerne que les occlusives {p, t, k}, et seulement si ces consonnes se présentent comme: 1) consonnes simples entre deux voyelles, 2) consonnes géminées, 3) consonnes précédées d’une consonne sonante (m, n, r, l). Les tableaux suivants donnent la liste des formes alternantes correspondant aux quatre ensembles précédents : On parle du degré fort de la consonne en syllabe ouverte, et du degré faible en syllabe fermée :

Occlusives simples
DEGRÉ FORT DEGRÉ FAIBLE exemples avec le suffixe génitif (-n)
p v tapa / tavan manière
t d katu / kadun rue
k ø leuka / leuan
aika / ajan[1]
menton
temps
v puku / puvun[2] vêtement
Occlusives géminées
DEGRÉ FORT DEGRÉ FAIBLE exemples avec le suffixe génitif (-n)
pp p pappi / papin prêtre
tt t hattu / hatun chapeau
kk k paikka / paikan place
Occlusives simples
DEGRÉ FORT DEGRÉ FAIBLE exemples avec le suffixe génitif (-n)
mp mm kampa / kamman peigne
nt nn ranta / rannan rive
nk [ŋk] ng[3] lanka / langan fil
rt rr virta / virr>an courant
lt ll silta / sillan pont

La présence d'une voyelle longue ou d'une diphtongue bloque l'alternance consonantique :

hakkuu coupe / hakkuun

pilttuu stalle / pilttuun

trikoo tricot / trikoon

Lontoo Londres / Lontoon

vapaa libre - vapaan

Cette restriction ne concerne pas les diphtongues formées par suffixation du pluriel (noms) et du prétérit (verbes) :

lepo repos / levoissa durant les repos

ruutu carreau / ruuduilla sur les carreaux

aika temps / ajoissa à temps

kauppa commerce / kaupoissa dans les commerces

aitta remise / aitoissa dans les remises

lankku planche / lankuilla sur les planches

aalto onde / aalloilla sur les ondes

suunta direction / suunnoissa dans les directions

juopua s'enivrer / juovuin je me suis enivré

kutoa tisser / kudoit tu as tissé

oikoa redresser / oioimme nous avons redressé

tappaa tuer / tapoitte vous avez tué

erottua se séparer / erotuimme nous nous sommes séparé(e)s

liikkua bouger / liikuit tu as bougé

kertoa raconter / kerroitte vous avez raconté

antaa donner / annoin j'ai donné

Tout comme l’harmonie vocalique, l’alternance consonantique est un processus récursif. Chaque suffixe ajouté est susceptible de modifier la structure de la syllabe qui précède. Deux exemples :

ky+ttA+nnäytän je montre

être visible+FACT+1SG

nty+(i)kkOssAnnikössä dans la pinède

pin+COLL+INES

  1. La suffixation du morphème factitif (-ttA) au radical verbal näky-, entraîne le degré faible de la consonne "k"(=Ø), puis la suffixation du morphème de personne (-n) entraîne le degré faible de la consonne géminée du morphème factitif ("tt" ➙ "t").
  2. La suffixation du morphème dérivationnel collectif (-(i)kkO) au radical nominal mänty, entraîne le degré faible de la consonne "t" devant "n" (="nn"), puis la suffixation du morphème d'inessif (-ssA) entraîne le degré faible de la consonne géminée du morphème collectif ("kk" ➙ "k").

Faire les exercices 5, 6, 7 et 8

1. La chute de la consonne "k" entraîne le passage de la voyelle "i" à la semi-consonne "j" en contexte intervocalique (autres exemples : poika garçon / pojan, ikä âge / iän)

2. Le degré faible de "k" est "v" entre les voyelles "u" et "y" (autres exemples : kyky aptitude / kyvyn, luku nombre / luvun)

3. L'assimilation de la consonne nasale n'est pas explicite dans la langue écrite.