2. Exercices de phonologie
Exercice 24 : Distribution de [i] et [ɪ] en franco-québécois
Soit le corpus suivant :
-
[ɪ] est une voyelle dont le degré d'aperture est intermédiaire entre [i] et [e].
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[t͡s] et [d͡ʒ] sont des consonnes affriquées : articulations complexes combinant une occlusive et une fricative.
[ʒødi] | jeudi | [sɪt] | site |
[mɛrsi] | merci | [pti] | petit |
[lɪɲ] | ligne | [tɛnɪs] | tennis |
[ɛ̃vite] | invité | [ɔptɪk] | optique |
[pilɔt] | pilote | [ɑ̃virɔ̃] | environ |
[part͡sɪr] | partir | [at͡sire] | attirer |
[d͡ʒɪm] | gym | [pidza] | pizza |
[limɪt] | limite | [ɛ̃firmje] | infirmier |
[ɔfɪs] | office | [istwɑr] | histoire |
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Comparez la distribution des voyelles [i] et [ɪ] (la syllabation est la même qu'en français standard).
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Quel est le statut de l'opposition entre ces deux voyelles ?
Corrigé Exercice 24
Distribution des deux voyelles :
[i] | [ɪ] | ||
---|---|---|---|
[ʒødi] [mɛrsi] [pti] [ɛ̃vite] [pilɔt] [ɑ̃virɔ̃] [at͡sire] [pidza] [ɛ̃firmje] [istwɑr] |
jeudi merci petit invité pilote environ attirer pizza infirmier histoire |
[ɔfɪs] [d͡ʒɪm] [ɔptɪk] [tɛnɪs] [limɪt] [part͡sɪr] [lɪɲ] [sɪt] |
office gym optique tennis limite partir ligne site |
On remarque que la voyelle [ɪ] apparaît toujours en syllabe fermée. La voyelle [i] apparaît, quant à elle, aussi bien en syllabe fermée (ex : [istwɑr]) qu'en syllabe ouverte (ex : [pilɔt]). Par contre, la voyelle [ɪ] est toujours en dernière syllabe de mot, tandis que la voyelle [i] n'apparaît jamais dans ce contexte : syllabe fermée et dernière syllabe. Elle peut être dans la dernière syllabe comme dans les mots [mɛrsi] et [ʒødi] mais dans ce cas, la syllabe est ouverte. La caractérisation des contextes pertinents pour l'occurrence de la voyelle [ɪ] est donc : [ɪ] apparaît en syllabe fermée et en dernière syllabe.
Les deux voyelles sont donc en distribution complémentaire. [ɪ] apparaît en syllabe fermée et en dernière syllabe, tandis que [i] apparaît partout ailleurs. C'est-à-dire, en syllabe ouverte ou en syllabe fermée et ailleurs qu'en dernière syllabe.
Comme il n'y a pas de paires minimales entre [i] et [ɪ], ces deux voyelles ne sont pas deux phonèmes dans ce dialecte du français. Ce sont deux variantes combinatoires du même phonème (noté /i/) dont la distribution est réglée par la nature de la syllabe et sa position dans le mot.
Le choix du symbole phonétique [i] comme représentant du phonème est justifié par le fait que c’est la forme non-marquée ; celle qui n’est pas liée à un contexte spécifique.
Schématiquement, on peut résumer l'analyse comme suit :