1.1.3.2. Les cas locatifs

Les cas locatifs au sens étroit ou au sens large (au sens large, il convient d’ajouter aux six cas locatifs, les trois cas grammaticaux - partitif, essif et translatif - qui peuvent avoir également une valeur spatiale et temporelle dans des constructions particulières) ont à la fois des emplois concrets à signification simple (localisation) et des emplois plus abstraits. Dans cette présentation, nous nous intéresserons qu’aux valeurs spatiales des cas locatifs (on trouvera des exemples d’emplois temporels et autres dans une des grammaires de référence proposées dans la bibliographie).

Les six cas locatifs {inessif, élatif, illatif, adessif, ablatif, ablatif} forment un système particulièrement cohérent sans équivalent en français. Le finnois fait des distinctions dans l’emploi des cas locatifs que l’on ne retrouve pas dans les prépositions du français. Ces six cas s’organisent sur deux plans : le plan de la position et le plan de la direction :

INTERNE EXTERNE
STATIQUE -ssA
(inessif)
-llA
(adessif)
DYNAMIQUE origine -stA
(élatif)
-ltA
(ablatif)
destination -Vn
(illatif)
-lle
(allatif)

La position permet de regrouper les six cas en deux ensembles cohérents : les cas internes {inessif, élatif, illatif} et les cas externes {adessif, ablatif, allatif}.

La direction permet de regrouper les six cas en deux ensembles cohérents : les cas statiques (pas de mouvement) {inessif et adessif} et les cas dynamiques (expression d’un mouvement) {élatif, ablatif, illatif, allatif}. Les cas dynamiques se divisent en deux selon l’orientation du mouvement : éloignement {élatif et ablatif} et rapprochement {illatif et allatif}.

Pour expliciter le fonctionnement de ce système casuel, le mieux est de faire appel à la notion de cible et de site. Les cas locatifs, de même que les prépositions de lieu, expriment un rapport spatial entre deux choses : une cible et un site. La cible est la personne ou l’objet - pour rester dans le domaine du concret - dont on veut établir une relation avec un espace (le site). Dans les deux exemples suivants, Pekka est la cible (ce dont on précise la localisation), et, par ailleurs, la cible est dans un cas la cuisine, et dans l’autre la rue :

Pekka on keittiössä (inessif)

Pekka est dans la salle

Pekka = prénom

on = est (être+présent+3SG)

keittiö = cuisine

Pekka on kadulla (adessif)

Pekka est dans la rue

Pekka = prénom

on = est (être+présent+3SG)

katu = rue 

Dans les deux exemples précédents, la traduction fait appel à la même préposition dans pour exprimer les deux rapports spatiaux. Pour tout rapport spatial, il convient en finnois d’évaluer la nature de la relation en terme de position et de direction.

1.1.3.2.1. La position

La position est déterminée par la relation entre la cible et le site.

Si la relation entre la cible et le site est une relation d’inclusion - le site représente un espace fermé - alors le cas locatif est un cas interne (comme dans l’exemple Pekka on keittiössä Pekka est dans la cuisine). Par ailleurs la relation entre les deux étant de nature statique - pas de mouvement - le cas locatif est par conséquent l’inessif.

Si la relation entre la cible et le site est une relation de surface, de contact, de proximité - le site représente alors un espace ouvert avec ou sans contact avec la cible - le cas locatif est un cas externe (comme dans l’exemple Pekka on kadulla Pekka est dans la rue). Par ailleurs, la relation entre les deux étant de nature statique - pas de mouvement - le cas locatif est par conséquent l’adessif.

1.1.3.2.2. La direction

Considérons maintenant les trois exemples suivants (variation de direction) :

Pekka on keittiössä (inessif)

Pekka est dans la salle

Pekka = prénom

on = est (être+présent+3SG)

keittiö = cuisine

Pekka tulee keittiöstä (élatif)

Pekka vient de la cuisine

Pekka menee keittiöön (illatif)

Pekka va dans la cuisine

Pour tous les compléments du verbe, la direction est déterminée par le verbe.

Si le verbe décrit un rapport spatial statique, il s’agit de l’inessif ou de l’adessif. Le choix entre ces deux derniers cas est fixé par la position de la cible relativement au site. Dans l’exemple Pekka on keittiössä Pekka est dans la cuisine, le rapport entre la cible et le site étant de nature inclusive, on a un cas interne statique : l’inessif.

Si le verbe décrit un mouvement qui correspond à l’abandon ou à l’éloignement d’une position, on a l’élatif ou l’ablatif. Le choix entre ces deux derniers cas est fixé par la position relative de la cible et du site. Dans l’exemple Pekka tulee keittiöstä Pekka vient de la cuisine, le rapport entre la cible et le site étant de nature inclusive, le site présente un cas interne dynamique qui signale un mouvement d’abandon du site (élatif).

Si le verbe décrit un mouvement qui correspond à la prise de position ou au rapprochement de la cible et du site, on a l’illatif ou l’allatif. Le choix entre ces deux derniers cas est fixé par la position de la cible relativement au site. Dans l’exemple Pekka menee keittiöön Pekka va dans la cuisine, le rapport entre la cible et le site étant de nature inclusive, le site présente un cas interne dynamique qui signale un mouvement de prise de position du site (illatif).

Dans les exemples suivants, le raisonnement sur la direction est le même que précédemment, mais il s’agit cette fois d’une relation entre cible et site qui repose sur les cas externes. La premiere série met en jeu une relation de surface, et la seconde série, une relation de contiguïté.

relation de surface :

Kissa on katolla (adessif)

Le chat est sur le toit

kissa = chat

on= est (être+présent+3SG)

katto = toit

Kissa tulee katolta (ablatif)

Le chat vient du toit

Kissa menee katolle (allatif)

Le chat va sur le toit

relation de contiguïté :

Kissa on kadulla (adessif)

Le chat est dans la rue

kissa = chat

on= est (être+présent+3SG)

katu = rue

Kissa tulee kadulta (ablatif)

Le chat vient de la rue

Kissa menee kadulle (allatif)

Le chat va dans la rue

Le tableau suivant récapitule schématiquement les différentes situations en fonction de la position et de la direction :


Cas internes
Cas externes
inessif schéma inessif adessif schéma adessif
élatif schéma élatif ablatif schéma ablatif
illatif schéma illatif allatif schéma allatif

Dans ce schéma, le point noir représente la cible et le carré ou rectangle blanc, le site. Avec les cas internes, le rapport site-cible est un rapport d’inclusion : la cible est contenu dans le site. Avec les cas externes, la cible est sur le site ou contigu au site. Les flèches expriment le mouvement : absence de mouvement avec les cas statiques, et mouvement avec les cas dynamiques. Avec l’élatif et l’ablatif, il s’agit d’un mouvement d’éloignement ; la cible quitte ou s’éloigne du site. Avec l’illatif et l’allatif, il s’agit d’un mouvement de rapprochement ; la cible pénètre ou s’approche du site.