2.2. La classification génétique

La classification des langues la plus connue et la plus souvent utilisée pour identifier une langue est la classification génétique. Le français est une langue romane et une langue indo-européenne ; l’anglais est une langue germanique et indo-européenne ; le finnois est une langue fennique, finno-ougrienne et ouralienne. Les divers regroupements font référence à un passé commun (langue mère), restitué à partir de régularités phonétiques qui ont fait le succès de la méthode comparative. Plus la période commune restituée est proche et plus les régularités phonétiques sont nombreuses et probantes. Chronologiquement, les divers niveaux de regroupement sont : la branche, le groupe, la classe, et la famille. Le tableau suivant met en parallèle les différents regroupements auxquels appartiennent le français et le finnois. Pour les deux filiations, chaque regroupement est donné avec deux autres langues du même niveau (voir à ce propos l’arbre des langues indo-européennes (document 1) et l’arbre des langues ouraliennes (lien 1)) :

Le document 2 est une version graphique du tableau ci-dessus.
Famille indo-européen
(farsi, hindi, …)
ouralien
(ngasan, nenets, …)
Classe langues “centum”
(allemand, gallois, …)
finno-ougrien
(hongrois, mansi (vogoul), …)
Groupe italique
(*ombrien, +osque, ...)
finno-permien
(oudmourt, mordve, ...)
Branche romane
(italien, roumain, ...)
fennique
(estonien, vepse, ...)
Langue français finnois

La méthode comparative repose sur la régularité des correspondances phonétiques dans la comparaison des langues et non sur sur la simple ressemblance des mots.

Langues romanes

français italien espagnol portugais roumain
lait latte leche leite lapte
nuit notte noche noite noapte

Il importe peu que les mots leche de l’espagnol, latte de l’italien et lapte du roumain se ressemblent. Par contre, ce qui est pertinent pour établir une relation de parenté entre ces trois langues, c’est ici la correspondance entre la consonne “ch” de l’espagnol, “tt” de l’italien et “pt” du roumain ; correspondance que l’on retrouve respectivement dans les mots noche, notte et noapte (nuit) et dans hecho, fatto et fapt (fait).
De même pour le rapprochement entre les mots kieli du finnois et keel de l’estonien (langue).

Langues fenniques

finnois estonien carélien vepse live français
kieli keel kel’ kel’ langue
silmä silm silmä silm si:lma œil

Ici, on peut observer deux correspondances qui se retrouvent dans de nombreux mots : 1) à la diphtongue du finnois correspond une voyelle longue en estonien, 2) la voyelle finale du finnois fait l’objet d’une apocope en estonien. Autres exemples illustrant cette régularité phonétique :

1) Apocope

finnois estonien français
kaksi kaks deux
laulu laul chant
jumala jumal Dieu
lintu lind oiseau
talvi talv hiver

2) Diphtongue vs longue

finnois estonien français
juo joo il/elle boit
tie tee chemin
syön söön je mange
vieras võõras étranger

3) Apocope et diphtongue vs longue

finnois estonien français
vielä veel encore
suoni soon tendon
kieli keel langue

Exemples montrant cette fois la simple ressemblance entre mots de la même famille :

Langues indo-européennes

français anglais allemand breton russe sanscrit farsi hindi
frère brother Bruder breur brat’ bhratar baradar bhrata

Langues ouraliennes

finnois estonien mordve same khanti mansi hongrois
kala (poisson) kala kal guolle Xul Xuùl hal

La parenté des langues indo-européennes est fondée notamment sur la fameuse loi de Grimm qui fait correspondre à une forme restituée de l’indo-européen “*bh”, “b” en germanique, “φ” en grec et “f” en latin :

français sanscrit germanique grec latin
frère bhratar- Bruder φέρω frater

(Voir à ce propos le commentaire sur la méthode comparative de J.-C. Milner dans Introduction à une science du langage [1989], pp 93-99)

Pour les langues ouraliennes, on notera la correspondance entre la consonne occlusive sourde à l’initiale en finnois, estonien et mordve qui renvoie à la même consonne sonore en same, et à une fricative de même point d’articulation dans les langues ougriennes : hongrois, kanti et mansi.