Première partie du cours : typologie des langues
1. Introduction
La typologie linguistique a pour but la description et la classification des langues. En linguistique, le mot typologie est utilisé avec deux significations : on parle de typologie d'un fait linguistique, lorsqu'on classe un ensemble d'objets au regard d'une propriété différentielle. Chaque classe définit ainsi un type d'objets. Par exemple, en morphologie, on obtient une typologie des mots en distinguant plusieurs classes à partir de la nature des morphèmes impliqués dans le mot. On définit ainsi des mots simples (un seul morphème), des mots composés (plusieurs morphèmes libres), des mots dérivés (un morphème lexical avec un ou plusieurs affixes), etc. Toute typologie repose donc sur une répartition d'objets en fonction d'une propriété partagée, et chaque classe d'objets définit un type. Lorsqu'on parle de typologie des langues, il s'agit cette fois de la classification des langues du monde en fonction d'une propriété structurale partagée par un ensemble de langues.
En s'intéressant aux différences entre les langues, la typologie relève également de la linguistique générale dans la mesure où elle s'appuie sur des propriétés communes aux langues (une propriété n'est pertinente pour la typologie que si elle est partagée par plusieurs langues) et dans la mesure où elle vise également à dégager des invariants dans les langues (une propriété différentielle qui se distribue sur l'ensemble des langues peut être l'expression d'une propriété plus générale présente dans toutes les langues). Un premier exemple simple : les langues se répartissent selon qu'elles ont des prépositions ou des postpositions. En français, nous avons des prépositions (à la maison) alors que le japonais a des postpositions (uti de = à la maison). Sur le plan général, cette différence d'organisation des constituants syntaxiques, donne lieu à trois observations : 1) toutes les langues ont des adpositions dans leur système des catégories syntaxiques (une adposition désigne une catégorie syntaxique qui recouvre les prépositions et les postpositions). 2) La différence de place respective de l'adposition et de son complément dans une langue donnée est peut être une propriété plus générale concernant la relation de dépendance entre deux constituants ; selon les langues, le terme dépendant se place avant ou après le terme dont il dépend. On s'attend alors à retrouver cette différence de place avec d'autres catégories de la langue qui ont également des propriétés relationnelles. 3) Les deux remarques précédentes montrent que les langues manifestent des propriétés de symétrie ; ce qui dans une langue est placé à gauche d'un constituant, peut être à droite dans une autre langue.
Les propriétés différentielles utilisées pour la classification des langues concernent tous les niveaux de la description linguistique ; elles peuvent être de nature phonétique, phonologique, morphologique, syntaxique ou lexicale. Le plus souvent, les propriétés retenues sont de nature oppositive et binaire (les langues sont alors de deux types ; avoir ou non telle propriété. Quelques exemples simples, les langues peuvent être monosyllabiques ou non, les langues peuvent être tonales ou non, les langues peuvent avoir ou ne pas avoir de genre grammatical, les langues peuvent avoir ou ne pas avoir de système casuel, les langues ont ou n'ont pas d'accord du sujet avec le verbe... Comme on le verra par la suite lorsqu'il s'agira de typologie morphologique et syntaxique, la classification des langues n'est pas exclusivement de nature binaire ; la classification fondée sur des critères d'ordre morphologique comporte trois ou quatre types selon les descriptions et selon le point de vue adopté. D'une part, on fait la distinction entre des langues analytiques, synthétiques et polysynthétiques et d'autre part on fait la distinction entre des langues isolantes, agglutinantes, fusionnantes ou incorporantes.