Cours - 5. La structure interne des mots complexes

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Livre: Cours - 5. La structure interne des mots complexes
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Date: vendredi 22 novembre 2024, 02:45

5. La structure interne des mots complexes

Il sera question dans ce qui suit de la segmentation des mots complexes dérivés en morphèmes, de la justification de la segmentation et de la représentation formelle des mots complexes.
Nous verrons notamment que les mots complexes doivent s’analyser non pas comme une simple concaténation de morphèmes - c’est-à-dire une simple suite de morphèmes - mais comme une structure hiérarchisée de morphèmes.

Commençons par une comparaison simple entre le niveau phonologique et le niveau morphologique. Dans la description phonologique d’un mot complexe tel que nationalisation, on est amené à dégager trois types d’unité  : le mot, la syllabe et les phonèmes. Le mot peut être décrit à ce niveau comme étant une suite de syllabes - 6 syllabes pour le mot nationalisation :

nationalisation = na+sjo+na+li+sa+sjɔ̃

et chaque syllabe s’analyse à son tour comme une suite de phonèmes :

nationalisation = n+a+s+j+o+n+a+l+i+s+a+s+j+ɔ̃

De façon comparable, on peut analyser ce même mot au niveau morphologique comme une simple suite de 4 morphèmes :

nationalisation = nation+al+is+ation

Cette simple comparaison donne à penser que le mot est soumis à une même règle d’organisation linéaire pour les syllabes, et pour les morphèmes. Le mot se présente donc comme une suite de syllabes ou de phonèmes, et comme une suite de morphèmes. On parle dans ce cas de concaténation de syllabes ou de phonèmes et de concaténation de morphèmes. Nous allons voir précisément que, si cette conception du mot est correcte pour le niveau phonologique, il n’en n’est rien au niveau morphologique, et qu’il convient d’ajouter à l’organisation linéaire des morphèmes, une organisation hiérarchisée.

Pour mettre en évidence la structure interne des mots complexes, une série de mots complexes du français sera utile. Les mots choisis sont des mots qui ne posent pas de problème de découpage en morphèmes, de façon à ce que nous puissions raisonner directement sur la forme écrite du mot. Les mots de cette liste sont tous des mots dérivés secondaires :

2 morphèmes dans :

  • lenteurlent-eur
  • fragilitéfragil-ité
  • bêtisebêt-ise

3 morphèmes dans :

  • chantionschant-i-ons
  • nationaliténation-al-ité
  • brutalementbrut-ale-ment

4 morphèmes dans :

  • nationalisationnation-al-is-ation

5 morphèmes dans :

  • dénationalisationdé-nation-al-is-ation

5.1. La commutation en phonologie (rappel)

Avant de voir comment justifier la segmentation en morphème, revenons tout d’abord sur le principe de l’opération de commutation en phonologie, et nous verrons ensuite comment il s’applique ensuite en morphologie. C’est donc par cette opération de commutation que l’on peut dégager en phonologie les paires minimales nécessaires à l’identification des phonèmes. La commutation consiste à substituer un son par un autre à un même endroit de la chaîne sonore. Si la substitution donne lieu à un mot qui existe dans la langue alors les deux sons permutés sont deux phonèmes. On peut représenter l’opération de commutation par un tableau à double entrée dans lequel la suite des sons situés sur l’axe horizontal est reprise sur l’axe vertical. Pour chaque ligne, on procède à une et une seule commutation. Dans l’exemple suivant, l’analyse permet d’identifier trois segments phonologiques dans le mot bal, chacun d’eux étant un phonème.

b a l
b m mal (mal)
a y byl (bulle)
l z baz (base)

[b] commute avec [m] ce qui donne mal
[a] commute avec [y] ce qui donne bulle
[l] commute avec [z] ce qui donne base

Cette opération nous renseigne sur deux choses : le mot bal est formé de trois segments et chaque segment est un phonème puisqu’il entre en rapport d’opposition distinctive avec un autre phonème. Bien entendu, il peut arriver que, pour une position donnée dans la chaîne des phonèmes d’un mot, il ne soit pas possible de pratiquer la commutation parce qu’aucun mot de la langue ne correspond à cette séquence de phonème. Cela tient au fait que la langue ne peut pas réaliser toutes les combinaisons de sons possibles. Dans un tel cas, le statut phonologique du segment dégagé sera déterminé par d’autres mots.

5.2. La commutation en morphologie

Cette opération permet également de segmenter la chaîne parlée en morphèmes mais un problème apparaît lorsque nous l’appliquons rigoureusement avec certains mots complexes. Notons tout d’abord que cette opération se fait facilement pour tous les mots qui sont formés de deux morphèmes. On peut ainsi justifier les deux morphèmes dans chacun des mots de la liste précédente. Dans le premier mot lenteur, lente, la forme féminine de l’adjectif lent (il convient de procéder sur la forme prononcée du mot = /lɑ̃t/), commute avec grande pour donner grandeur, et le suffixe -eur commute avec le suffixe -ment pour donner lentement.

lenteur :

lent- -eur
lent- grand- grandeur
-eur -ement lentement

La même chose pour les deux autres mots fragilité et bêtise :

fragilité :

fragil- -ité
fragil- tranquill- tranquillité
-ité -ise fragilise

bêtise :

bêt- -ise
bêt- franch- franchise
-ise -ment bêtement

Considérons maintenant les mots de plus de deux morphèmes, comme chantions. À nouveau, chacun des morphèmes se justifie simplement par l’opération de commutation. Dans chantions, on a trois segments :

chantions :

chant- -i -ons
chant- lis- lisions
-i -er- chanterions
-ons -ez chantiez
  • chant- commute avec lis- pour donner lisions
  • -i (le morphème de temps) commute avec -er- (le morphème de futur) pour donner la forme verbale du futur chanterons
  • -ons (le morphème de personne) commute avec -ez pour donner la forme verbale de deuxième personne du pluriel chantiez.

Considérons maintenant le mot brutalement, qui est constitué également de trois morphèmes : brutalement contient les morphèmes brut, -al et -ment. Contrairement à chantions, il n’est pas possible de justifier le découpage en trois segments, car on ne peut pas pratiquer l’opération de commutation pour le second morphème -ale. Brute commute avec machine pour donner machinalement, -ment commute avec -ité pour donner brutalité, mais -al ne commute avec rien. Aucun morphème - pas même le morphème zéro - ne peut remplacer le morphème adjectival dans cette position. Si l’on remplace -al par le morphème zéro, nous aurions la séquence *brutment qui n’existe pas, car en aucun cas un adverbe est formé directement à partir d’un nom.

brutalement :

brut- -ale -ment
brut- machin- machinalement
-ale
-ment -ité brutalité

Le problème se situe bien au niveau de la justification de la segmentation et non au niveau de la segmentation. On ne peut pas remettre en cause ici le découpage en trois segments.

Ce problème de justification se retrouve avec le mot nationalité, qui est également formé de trois morphèmes :

nationalité :

nation- -al -ité
nation- individu- individualité
-al
-ité -isme nationalisme

De même pour le mot nationalisation, qui contient 4 morphèmes :

nationalisation :

nation- -al -is -ation
nation- région- régionalisation
-al
-is
-ation -ait nationalisait

De façon générale, on observe donc qu’au delà de deux morphèmes, il devient impossible, à part quelques exceptions bien choisies comme chantions, de justifier la segmentation pour les morphèmes en position médiane. La justification marche pour le premier et le dernier segment, mais pas pour ceux qui sont placés entre les deux. Ainsi dans le mot de 4 morphèmes nationalisation, on peut pratiquer l’opération de commutation sur le segment nation pour obtenir le mot régionalisation, et sur le segment -ation pour obtenir la forme verbale nationalisait. Mais aucun des segments intermédiaires ne peut être remplacé par quoi que ce soit. Précisons que ce type de problème qu’on rencontre avec l’opération de commutation en morphologie - il en est de même en syntaxe - ne se rencontre pas en phonologie. Il y a par conséquent entre ces deux niveaux d’analyse une différence fondamentale qui est révélée par l’opération de commutation. Est-ce à dire que l’opération de commutation est inopérante en morphologie ? Non, car en réalité, elle doit être pratiquée autrement.

5.3. Les relations syntagmatiques hiérarchisées

Précisons tout d’abord l’idée générale qui est à l’origine de la différence entre la phonologie et la morphologie pour ce qui est de l’opération de commutation. Si l’opération de commutation fonctionne bien pour tous les segments phonologiques c’est parce que les mots se présentent et s’analysent comme une succession de phonèmes qui répond au schéma rudimentaire :

…+A+B+C+D+…

où des syllabes ou des phonèmes quelconques d’un mot sont représentés par les lettres A, B, C et D. La relation entre un phonème et un autre phonème est toujours du même type, de même pour les syllabes. Autrement dit la relation syntagmatique entre le phonème A et le phonème B est équivalente à la relation entre le phonème B et le phonème C, et ainsi de suite, de même pour les syllabes. L’arbre suivant illustre cette équivalence syntagmatique où toutes les syllabes ou tous les phonèmes sont sur le même plan et chacun d’eux est en relation uniquement avec ce qui précède et ce qui suit :

Schéma reliant les lettres A, B, C et D en un seul point

En morphologie le seul schéma possible pour les mots est le suivant (dorénavant, la base en gras, et l’affixe souligné):

    A+x
    basse+affixe

Un mot complexe se ramène toujours à la construction de deux éléments - et uniquement deux - où x représente un affixe et A, une base lexicale. C’est pour cette raison que la segmentation des mots de 2 morphèmes ne pose pas de problème. Si la forme A+x est la seule structure possible pour les mots, quelle est donc la structure interne des mots complexes de plus de deux morphèmes ? Elle est la même bien entendu, mais la structure A+x se reproduit de manière cyclique. Comme le montre le schéma suivant :

Schéma montrant la structure des mots complexes, ou A+x forme B, qui s'associe à y pour former C, et ainsi de suite

A+x forme alors une nouvelle unité morphologique B, qui va se combiner avec l’affixe y, on a alors la concaténation B+y. Cette nouvelle unité, toujours formée de deux parties va donner lieu à une autre unité C, qui va se combiner avec un autre affixe z pour former encore une nouvelle unité D.

Cette construction cyclique du mot complexe est donnée habituellement sous la forme d’une représentation parenthétisée :

[D[C[B A+x]+y]+z]

ou sous la forme d’un arbre :

Lien sous forme d'arbre entre les bases et les affixes en suivant la logique présenté précédemment dans le cours

On voit donc que la structure des mots, contrairement à la structure phonologique, n’est pas une simple structure linéaire, mais une structure hiérarchisée où les relations syntagmatiques se font sur des niveaux différents, et à chaque fois il s’agit d’une relation entre deux unités. Prenons par exemple le mot nationalité qui est formé de trois morphèmes. Le mot nationalité est tout d’abord le produit de la concaténation entre le nom nation et le suffixe adjectival al ; ce qui forme l’adjectif national. Ensuite cette unité - l’adjectif national - est associée au morphème nominal -ité pour former un nom, nationalité.

Représentation schématisée de la structure du mot nationalité

La représentation parenthétisée et la représentation en arbre font apparaître la segmentation en morphèmes et également l’identité catégorielle des unités formées par l’opération de concaténation. Ce qui permet d’exprimer les propriétés lexicales des affixes en jeu ; à savoir pour le mot nationalité, le fait très simple que le suffixe adjectival -al se construit avec un nom, tandis que le suffixe nominal -ité se construit avec un adjectif.

[N[A[N nation]+al]+ité]

Lien sous forme d'arbre entre les bases et les affixes en suivant la logique présenté précédemment dans le cours

L’opération de suffixation ne correspond pas ainsi à l’ajout d’un suffixe derrière un morphème, mais derrière un mot (base lexicale). -ité est suffixé au mot national (base lexicale) et non au morphème -al. Dit autrement, -ité est donc en relation syntagmatique avec le mot national et non avec le morphème -al, à la différence de la phonologie où chaque phonème est en relation avec un autre phonème, celui de devant ou de derrière.

Analyse du mot complexe nationalisation :

segmentation : nationalisation = nation+al+is+ation

On a tout d’abord la formation de l’adjectif national à partir du nom nation et du suffixe adjectival -al, puis la formation du verbe nationalise- à partir de l’adjectif national et du suffixe verbal ‑ise, et enfin la formation du nom nationalisation à partir du verbe nationalise et du suffixe nominal -ation.

5.4. Justification de la segmentation

Passons maintenant à la segmentation et à sa justification. Si la structure des mots complexes répond au schéma général A+x (base+affixe) la justification doit être opérée par étape de façon à ce qu’à chaque fois on ait seulement deux segments à justifier, et le segment qui se présente comme une unité devra - pour justifier précisément le fait qu’il s’agit d’une unité - commuter avec une unité inanalysable (mot simple).

Reprenons le cas de l’exemple nationalité (nation+al+ité)

  • représentation parenthésée : [N[A[N nation]+al]+ité]

  • représentation en arbre :

    Lien sous forme d'arbre entre les bases et les affixes en suivant la logique présentée précédemment dans le cours

Au premier niveau (première étape de la justification), il s’agit de la construction entre le nom nation et le suffixe adjectival -al. Le segment nation est justifié par la commutation avec région pour donner régional et le segment -al est justifié par la commutation avec le suffixe pluriel -aux :

nation + al :

nation- -al
nation- région- régional
-ité -aux nationaux

Au second niveau (seconde étape de la justification), on remarquera que la forme complexe national, qui fonctionne comme une unité par rapport au morphème -ité, commute bien avec un élément simple (pas de segmentation) tranquille, qui est un adjectif constitué d’un seul morphème, pour donner le mot tranquillité, et le suffixe -ité commute avec le suffixe -isme pour donner nationalisme.

national+ité :

national- -ité
national- tranquill- tranquillité
-ité -isme nationalisme

Analyse du mot dénationalisation.

  • représentation parenthésée : [N[V’ dé+[V[A[N nation]+al]+is]]+ation]
  • représentation en arbre :
    Lien sous forme d'arbre entre les bases et les affixes pour le mot *dénationalisation* en suivant la logique présentée précédemment dans le cours

Autre représentation plus lisible du mot (avec alignement des morphèmes) :

Autres représentation en arbre de la justification du mot détionalisation

Justificationn de la segmentation :

  • Premier niveau :

nation + al :

nation- -al
nation- région- régional
-ité -aux nationaux

Le radical nation se construit avec le suffixe adjectival -al pour former l’adjectif national. Nation commute avec région, et le suffixe -al commute avec le morphème pluriel -aux.

  • Deuxième niveau :

national+is :

national- -is
national- tranquill- tranquillise
-is -ité nationalité

La base lexicale national se construit avec le suffixe verbal -ise pour former le verbe nationalise. La forme complexe national commute avec la forme simple tranquille pour former le verbe tranquillise, et le suffixe -ise commute avec le suffixe -ité pour former le nom nationalité.

  • Troisième niveau :

+ nationalis :

dé- -nationalis
nationalis- re- renationalise
-ation -faire refaire

La base lexicale nationalise se construit avec le préfixe verbal - pour former le verbe dénationalise. La forme complexe nationalise commute avec la forme simple faire pour former le verbe défaire, et le préfixe - commute avec le préfixe re- pour former le verbe renationalise.

dénationalis + ation :

dénationalis- -ation
dénationalis- libér- libération
-ation -ait dénationalisait

La base lexicale dénationalise se construit avec le suffixe nominal -ation pour former le nom dénationalisation. La forme complexe dénationalise commute avec la forme simple libér- (libérer) pour former le nom libération, et le suffixe -ation, commute avec le suffixe verbal -ait pour former la forme verbale conjuguée dénationalisait. Nationalisation et libération sont donc des mots du même type à la différence près que nationalisation est dérivée à partir d’une forme complexe, alors que libération est dérivée à partir d’une forme simple.

On remarquera qu’il y a autant de niveaux d’analyse qu’il y a d’affixes dans le mot complexe.

La seule difficulté avec cette nouvelle segmentation réside dans la place du préfixe dans la dérivation. À quel moment, ou plutôt à quel niveau intervient la préfixation au moyen du préfixe - ? Nous savons que ce préfixe permet de créer un verbe à partir d’un autre verbe et que si ce préfixe apparaît avec des noms complexes, comme dénationalisation c’est parce qu’il s’agit en fait d’un nom dérivé d’un verbe. Par ailleurs, sachant que la structure des mots complexes est toujours de type A+x, il suffit de tester avec quelle unité morphologique il entre en construction. Comme le montre la série d’exemples suivants :

    *+nation
    *dé+national
    dé+nationalise
    dénationalis+ation

On n’a pas de nom *dénation, ni d’adjectif *dénational, par contre on a le verbe dénationalise. À ce niveau, nationalise, forme complexe, commute avec une forme simple comme faire pour donner +faire. Le préfixe - se construit toujours avec un verbe.

Nature catégorielle des affixes et des mots complexes.

Une représentation en arbre telle que celle du mot dénationalisation contient plusieurs informations :

Lien sous forme d'arbre entre les bases et les affixes pour le mot dénationalisation en suivant la logique présentée précédemment dans le cours

  1. Elle indique l’ordre linéaire des différents morphèmes, il y a 5 morphèmes dans ce mot : dé+nation+al+is+ation.
  2. Elle indique la nature catégorielle des morphèmes : nation est un nom, -al est un suffixe adjectival, -ise est un suffixe verbal et -ation est un suffixe nominal. La nature catégorielle des affixes est notée au moyen des lettres minuscules. On remarquera que le préfixe - dans cette représentation n’a pas d’étiquette catégorielle. En fait, ce type d’élément n’a pas de catégorie puisque ce n’est pas lui qui détermine la nature catégorielle du produit A+x.

Considérons les exemples suivants :

Justifiaction sous forme de représentation en arbre du mot lenteur

Justifiaction sous forme de représentation en arbre du mot souhaitable

Si lenteur est un nom c’est parce que -eur est un nom (suffixe nominal) , si souhaitable est un adjectif, c’est parce que -able est un adjectif (suffixe adjectival).

Justifiaction sous forme de représentation en arbre du mot refaire

Justifiaction sous forme de représentation en arbre du mot impur

Par contre, si refaire est un verbe, c’est parce que faire est un verbe. Si impur est un adjectif, c’est parce que pur est un adjectif.

On a donc ici une différence importante entre préfixe et suffixe en français. Lorsqu’il y a un suffixe dans un mot complexe, c’est lui qui détermine la catégorie du mot complexe, alors qu’avec un préfixe c’est la base lexicale qui détermine la catégorie du mot complexe.

Revenons aux informations contenues dans la représentation en arbre. Outre l’ordre des morphèmes et leur nature catégorielle, lorsqu’ils en ont une, on trouve également :

  1. Une information sur la nature catégorielle du produit de chaque affixation. Cette information est représentée par les lettres majuscules qui dominent les deux parties du mot à chaque niveau.

Ainsi dans dénationalisation, en procédant niveau par niveau, national est un adjectif parce que -al est un adjectif (suffixe adjectival), nationalise est un verbe parce que -ise est un verbe (suffixe verbal), dénationalise est un verbe parce que cette fois nationalise est un verbe et nationalisation est un nom parce que -ation est un nom (suffixe nominal).

Faire les exercices 18 et 19

Ces exercices portent sur l’analyse morphologique de mots dérivés. Les étapes de l’analyse sont :

  1. segmentation du mot en morphème
  2. restitution des étapes dérivationnelles
  3. justification de la segmentation
  4. représentation de la structure du mot sous la forme d’un arbre

5.5. Base et radical

Dans une représentation en deux dimensions, une représentation arborescente (plus lisible qu’une représentation parenthétisée) permet de visualiser les différentes relations hiérarchisées entre les morphèmes. Le suffixe -ation n’est pas au même niveau que le suffixe qui le précède et ainsi de suite. On distingue ainsi plusieurs niveaux d’analyse : 5 dans le mot dénationalisation, et pour 4 des 5 niveaux nous avons une concaténation de type A+x. Nous pouvons maintenant préciser la différence entre radical et base lexicale. Si l’on considère les exemples précédents, on constate qu’une base lexicale n’est pas nécessairement une forme simple étant donné qu’elle peut contenir elle-même un ou plusieurs affixes. Dans dénationalisation, -ation est un suffixe et dénationalise est une base lexicale complexe par rapport à ce suffixe. De même qu’on peut définir un affixe comme un morphème lié qui entre en construction avec une base lexicale, on peut définir une base lexicale comme la partie du mot, simple ou complexe qui est en construction avec un affixe. Parmi les bases lexicales d’un mot complexe il y en a une qui ne fait l’objet d’aucune analyse c’est le radical. Dans dénationalisation le radical est représenté par le morphème libre nation. Un radical n’est pas obligatoirement un morphème libre ; dans un mot comme populaire, le radical est représenté par un morphème lié popul-.

En résumé, la base se définit par rapport à une forme complexe qui contient un affixe, alors que le radical se définit par rapport au mot dans sa totalité. Le mot nationalisation contient un seul radical (souligné dans l’exemple qui précède), mais il contient plusieurs bases ; une pour chaque affixe. Base et radical coïncident seulement lorsqu’il n’y a qu’un seul affixe. Dans national, nation est à la fois le radical du mot et la base lexicale du suffixe adjectival -al.